dimanche 13 juin 2010

Les journalistes français parlent tous un anglais impeccable (?). Voire !

On nous bassine de l'anglais langue des affaires et du "futur" ("avenir" est devenu ringard, à cause de l'anglo-américain future) et on invite tout un chacun à l'apprendre et le pratiquer - mais ça ne marche visiblement pas. Y compris chez ceux qui nous expliquent le monde.
Dans son numéro sur « Un monde chinois », Courrier international mentionne un ouvrage, inédit en France, intitulé When China Rules the World et en donne sa traduction (celle du journaliste) : « Quand la Chine domine le monde » !
Sur http://fr.yahoo.com/, on a pu dernièrement lire la phrase suivante : « Matthew Stein, auteur du livre When Technology Fails (Quand la technologie échoue), décrit la «parfaite tempête» qu'affronte notre civilisation. »
Dans les deux cas, on relève une méconnaissance des futurs consécutifs en anglais. Les deux titres sous-entendent What Will Happen et cela implique que When China Rules the World se traduise par « Quand la Chine dominera le monde » et que When Technology Fails donne, dans notre langue, « Quand la technologie échouera ».
Alain Souchon, dans une chanson déjà ancienne, chantait « (...) when I will de down. » (prononcé « ou aine ail ou il bi da ou ne. ») et faisait lui aussi une faute de syntaxe anglaise.
Dire, après ça, que des artistes français(es) déclarent régulièrement écrire spontanément en anglais et que des entreprises françaises préfèrent l'anglais comme langue de travail, à leur siège, situé sur notre territoire...

mercredi 12 mai 2010

Et allez donc !

Le complément du nom, s'il existe bien en anglais, s'efface le plus souvent devant un recours à l'adjectif : "store opening hours" étant préféré à "opening hours of the store", par exemple.
Encore une coïncidence, les Français qui nous expliquent le monde ont décidé de s'y mettre depuis quelques temps, et ils ne se sont fixé aucune limite.
Il est question de "voyage papal", de "décision gouvernementale", de "promesses écologiques présidentielles" non-tenues, etc.
Au prétexte que notre langue n'aurait pas la concision de l'anglais (la verbosité existe aussi chez les anglophones, soit dit en passant), on n'observe pas que la formulation "promesses écologiques présidentielles" non-tenues est moins critique (et moins précise) que "promesses du président sur l'écologie" ou "promesses du président en matière d'écologie".
De même, "Les pays de la zone euro ont-ils enfin trouvé la parade contre les attaques spéculatives dirigées contre certains ?" (www.arretsurimages.net/) est moins précis à propos de la menace que constituent les spéculateurs. On aurait pu écrire "Les pays de la zone euro ont-ils enfin trouvé la parade contre les spéculateurs qui s'attaquent à certains d'entre eux ?"
Le 12 mai 2010, le courriel de Télérama, annonçant un entretien avec un cinéaste, en marge de ou dans le cadre du Festival de Cannes, titre "Ouverture cannoise" (sic - et avec une coquille).
Où allons-nous ? !

dimanche 9 mai 2010

Autre singerie de l'anglo-américain

Il me paraît tout à fait curieux que Stéphane Guillon, dans la chronique où il se gaussait de la cécité de Benoît XVI sur les actes de pédophilie de certains membres du clergé, parle des victimes en les appelant "sourds et muets".
À plus de quarante ans, M. Guillon ne semble pas se souvenir que le français désigne comme sourds-muets, les personnes que les anglophones (dont les Américains, modèle de tant de ceux qui nous parlent) appellent deaf-and-dumb ! L'humoriste est bien français, et parle la langue du même nom depuis l'enfance, n'est-ce-pas ?

vendredi 12 mars 2010

Liens

Un jeune artiste :
http://www.myspace.com/jakochaos
http://www.myspace.com/planblivemusique

samedi 6 mars 2010

"Nourriture" indigeste

Au lecteur, à la lectrice, que la curiosité ou le hasard amène à ce texte, nous ferons remarquer la quasi-omniprésence du mot "nourriture" dans les propos qu'on tient partout en France, dans les familles, les écoles, la rue, ainsi qu'à la radio, à la télé et dans la presse, qui ont lancé le mouvement. A moins que ce ne soient les "traducteurs" de feuilletons, films, livres, articles, documentaires et dessins animés en anglais (et, ensuite, dans toute autre langue), les dialoguistes français et rédacteurs de tout poil leur ayant emboîté le pas.

Car, si, au pays d'Escoffier et de Joël Robuchon, entre autres sommités de la gastronomie, partie intégrante du patrimoine français, on nous parle sans arrêt et quasi-exclusivement de "nourriture", c'est sur le modèle de l'anglais "food", qui sert à désigner bien des choses qui se mangent. Entre autres : "de quoi manger", "provisions", "vivres", "alimentation", "repas", "plats", "mets", "aliment(s)", "victuailles", "produit(s) alimentaire(s)", "à manger", "alimentation", et... "cuisine", mot que les anglophones emploient tel quel dans un sens lié au prestige, au raffinement et à la haute qualité.

Quelques exemples, qui montrent que l'affaire est ancienne, sachant qu'il suffit d'allumer le poste ou d'ouvrir un journal pour en avoir de plus frais :
- "Il aime la nourriture exotique !", dit Mia Farrow dans "Meurtre mystérieux à Manhattan", de Woody Allen ; un Français dirait normalement "cuisine exotique" ;
- "Nourrituuure !" gémit Daffy Duck dans la version doublée de "Daffy's Southern Exposure" pour "A manger, par pitié !" ;
- "On vous apportera de la nourriture" dit un personnage à deux autres (pour "de quoi manger") dans "Impitoyable", de Clint Eastwood ;
- Un certain S. Vibert (20h00, France 2, 23/11/96) a dit que des cheminots sont venus prêter main forte aux camionneurs grévistes et leur ont apporté "de la nourriture et des toiles de tente" ;
- Dans "Modes & Travaux", en janvier 1997, La Maison du Saule (45068 Orléans Cedex) proposait, pour l'achat de l'ouvrage "Le Livre du Vinaigre", de recevoir en cadeau "La Nourriture Régénératrice. Cerveau et Santé" ;
- Dans un film sur les animaux, sur La Cinquième, le 10/3/97, on a entendu "nourriture" à plusieurs reprises, dont "Si les renardeaux n'étaient pas capables de passer d'une nourriture à l'autre, ils ne survivraient pas aux rigueurs de l’hiver arctique" ("capables de", autre envahissant alignement sur l'anglais dans cet extrait) ;
- Laurent Boussié (20h00, France 2, années 90) parle de "trois générations qui n'ont connu que l'aide sociale et les tickets de nourriture" (nous avons eu de la chance et notre langue aussi, puisqu'il ne nous a pas parlé pas de "timbres de nourriture", mot-à-mot de "food stamps") ;
- "A 15 F en moyenne le paquet de cigarettes, sur les ressources mensuelles des chômeurs fumeurs, 450 F s'envolent donc en fumée : c'est le prix d'un chariot plein de nourriture pour deux personnes pendant une semaine." lu dans "Avantages" (juin 97), rubrique "Nouveautés santé" ;
- Venue du pape en France, en 1997 ; France 2 couvre "l'événement". Au cours du journal de la mi-journée, le 23 août, un journaliste nous informe de ce que "Les premiers soins, c’est, avec la nourriture, [un souci des organisateurs]" et un autre, la quarantaine, nous dit, planté aux abords de la nonciature, que "le pape apprécie la nourriture".

Cette singerie va même à l'encontre des buts que poursuivent certains de ceux qui y sacrifient.

Quand, en décembre 1996, dans l'appel de fonds des Restaurants du Cœur on a entendu : "C'est maintenant que nous achetons la nourriture. C'est maintenant que nous avons besoin de votre aide" ; quand, récemment, l'Unicef faisait diffuser un film-appel de fonds pour les enfants afghans où l'on entendait : "Avec l'Unicef, ses tonnes de médicaments, d'eau, de nourriture, de couvertures, de tentes (...)", on peut doublement le regretter.

D'abord, parce que notre langue n'est pas l'anglais et que cet alignement sur cette langue ne transformera pas ses imitateurs - notamment ceux qui l'emploient sciemment - en "White Anglo-Saxon Protestants", les seuls "vrais" Américains. Ensuite, parce que le mot "vivres", qui renvoie au verbe français homophone "vivre", serait nettement plus en adéquation que "nourriture" avec la mission qui est celle des Restaurants du Cœur et de l'Unicef - et d'autres organismes de bienfaisance, dont un qui avait fait appel à Robert Hossein pour demander l'aide du public pour sa cause.

Au fait, on nous parle sans arrêt de la nécessité de faire court. Or, "nourriture" est plus long que "vivres", "mets", plat", etc. Mais le besoin de singer et la peur soit de ne pas être dans le coup, soit de vieillir, qui permettent à nos macaques d'imposer leurs imitations, sont les plus forts.

On nous dira que ces macaqueries pernicieuses sont le résultat de l'influence de l'anglo-américain, que tous ces gens parlent au quotidien. Voire. Nombre de sous-titres et traductions écrites ou simultanées sont d'une médiocrité à faire peur. Et, quand on entend ces "anglicistes chevronnés" ânonner une phrase en anglais, il y a généralement au moins une faute (nous ne parlons pas de la prononciation, pour laquelle ils auront beau jeu d'incriminer leur(s) ancien(s) prof(s) d'anglais).

Au rayon traductions pitoyables, on a baptisé "Méprise" la VF du téléfilm qu'a diffusé France 3 le 8 décembre 2001 alors que le titre américain est "DOUBLETAKE". Mais le héros de ce film se voit inviter à manger de "la nourriture chinoise" au domicile d'une jeune femme.

Reste à rebaptiser "magasins de nourriture générale" nos magasins d'alimentation générale et.. "bol nourrituresque" le bol alimentaire des cours de sciences nat'. On invoquera pour ce faire l'évolution de la langue.

En tout cas, pour ce qui est de "nourriture", les adeptes de l'évolution américanisée de notre langue semblent avoir pour horizon de ramener notre vocabulaire usuel aux 400 mots de l'Américain moyen (celui de la légende), dont, un brin démagos, ils se moquent si volontiers alors même qu'ils singent sa langue et répandent impunément et de façon maladive leurs singeries dans le prétendu langage courant.

Le même phénomène de réduction du vocabulaire - d'autant plus facile à lancer que l'anglais et le français sont à la fois proches et éloignés - se produit avec "apparaître", "à travers", "juste", "développer", "opérer", "requérir" et "requis", "dédié" et "dédier" et bien d'autres mots, expressions ou verbes français alignés sur la pratique ou l'acception anglo-américaine.
Si vous doutez de ce que vous venez de lire, demandez-vous comment il se fait, par exemple, que l'on vous propose aujourd'hui des produits "avec Javel" (anciennement, si l'on ose écrire, "à la Javel" ou "à l'eau de Javel"), sachant qu'en anglais, on parle dans ce cas de produits "with bleach".

On nous dira peut-être que le choix du vocabulaire relève d’une décision individuelle. Il n’en est rien, en fait, car, à notre époque de moyens de communication de masse, le peuple (le bon peuple) ne fait que reprendre les termes qu’il entend à longueur de jour ; c’est en particulier le cas des enfants quand ils regardent les dessins animés ou lisent les bandes dessinées et autres écrits, où cette "nourriture" abonde, par choix de quelques-uns.